La Presse : Le Gentleman Distillateur

November 21, 2015

To see the article of La Presse online, click here.

ÈVE DUMAS
LA PRESSE

Le tout premier single malt québécois vient d’arriver sur les rayons de la SAQ, grâce à une nouvelle microdistillerie de  la Montérégie. Très discrètement, voire complètement sous le radar, la Maison Sivo produit, depuis un an, une jolie gamme d’alcools variés.
Janos Sivo vit au Québec depuis plus de 30 ans. Il est d’origine hongroise. Là-bas, la palinka (eau-de-vie à double distillation) jouit d’un statut particulier. En 2010, le gouvernement a même décidé d’exempter du droit d’accises les 50 premiers litres de palinka lorsque celle-ci était produite par des distilleries ou des ménages pour leur usage personnel. En 2014, l’Union européenne a toutefois déclaré que cette exonération était illégale. Pourquoi la Hongrie jouirait-elle de privilèges ?

Toujours est-il que le fait de pouvoir posséder un alambic afin de produire ses propres spiritueux artisanaux, comme en Bavière et en Alsace, par exemple, est déjà une réalité que les Québécois d’aujourd’hui ne connaîtront sans doute jamais, absence de tradition oblige.
S’ajoute à cela le fait qu’ici, les distilleries – même celles détenant un permis – ne peuvent toujours pas vendre sur la propriété et n’ont comme client local que la SAQ. Celle-ci a également le loisir de choisir le produit qui se retrouvera sur les rayons.
Dans le cas de la Maison Sivo, le monopole d’État a jeté son dévolu sur le single malt, catégorie facile à vendre s’il en est une. Cette première production a été élaborée avec l’orge maltée de la Malterie Frontenac, à Thetford Mines, moulue, trempée, fermentée, distillée, élevée et embouteillée sur place.
Ce qui se trouve dans les 300 bouteilles vendues à la SAQ a passé environ neuf mois dans des fûts hongrois. C’est un « esprit de malt », un bébé whisky ! Rappelons qu’au Canada, un whisky, qu’il soit à base d’orge, de seigle, de maïs ou de blé, doit passer au moins trois ans dans un fût de chêne avant de pouvoir porter cette appellation.
À la Maison Sivo, un rye composé à 70 % de seigle québécois et de 30 % d’orge maltée repose également dans des fûts et attend fort probablement sa majorité avant de voir une première bouteille.
DES TÉLÉCOMMUNICATIONS À LA DISTILLATION
Au départ, c’était pour distiller des fruits que Janos Sivo, retraité du milieu des télécommunications, a décidé d’acheter une ferme, à Franklin. Au pays de la pomme, il a plutôt planté un verger écologique de cassissiers, de bleuetiers et de framboisiers.
Les eaux-de-vie que le perfectionniste réussit à tirer de ces petits fruits sont tout simplement divines. Elles n’ont toutefois pas été choisies par la SAQ, ayant le malheur d’appartenir à une catégorie encore méconnue au Québec. De délicieuses liqueurs de bleuet, de framboise et de cassis pourront, pour leur part, être achetées directement sur le site web de la distillerie, à compter de janvier 2016.
À la Maison Sivo, on a choisi de ne pas produire de vodka ni de gin, comme le font la majorité des jeunes distilleries. Ces catégories, fort populaires chez les consommateurs, ont aussi la qualité d’être moins chères à produire et de rapporter une marge plus intéressante que bien d’autres alcools. Ceci permet de financer les spiritueux exigeant un long vieillissement.
Sivo, lui, n’est pas pressé. Disons qu’il a les moyens d’attendre. Il considère néanmoins qu’il est impossible d’être rentable en vendant ses produits à la SAQ, avec le taux de majoration que pratique actuellement le monopole d’État. En attendant de pouvoir vendre ses eaux-de-vie de petits fruits directement à la ferme et d’ainsi faire un profit digne de ce nom, le gentleman distillateur continue de créer de nouveaux alcools et fait… des confitures !
 
L’Essence du single malt, 1re édition, 750 ml, 42 % alc./vol., 44,25 $ (12729481)
 
Ce texte provenant de La Presse+ est une copie en format web. Consultez-le gratuitement en version interactive dans l’application La Presse+.